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samedi 2 août 2014

La femme au miroir de Eric Emmanuel Schmitt




L’histoire « La femme au miroir » raconte l’histoire de trois femmes, qui vivent à trois époques différentes. Toutes trois vont arriver à un tournant majeur de leur vie et se rendre compte qu’elles sont différentes de leurs contemporaines. Toutes trois ont tout pour être heureuses et possèdent tout ce que toutes les autres femmes ont toujours rêvé d’avoir. Et pourtant..
Anne vit à Bruges, à l’époque de la Renaissance. Alors qu’elle est sur le point de se marier avec l’un des meilleurs partis de la ville, Anne s’enfuit et se réfugie dans la forêt pour entrer en communion avec la nature et les animaux. Elle n’en ressortira que grâce à l’aide d’un moine un peu marginal. Il en  est persuadé : Anne a refusé le mariage car elle est en réalité une servante de Dieu.
Hanna vit dans la Vienne impériale de Sigmund Freud. Hanna a tout pour être heureuse : elle s’est mariée avec un homme fortuné, véritable prince charmant de conte de fées et complètement fou amoureux d’elle ; tellement amoureux qu’il l’exhibe devant toute l’aristocratie viennoise tel un objet de fierté. Hanna confie pourtant son grand malheur à son amie d’enfance à travers ses lettres : elle n’arrive pas à être heureuse avec son mari. Bien qu’ayant un mari doux et attentionné, Hanna ne parvient pas à éprouver de réels sentiments amoureux pour lui et perçoit ses rapports sexuels comme des « exercices de gymnastique » sans fin. Mais surtout, elle se sent en dessous de ce que la famille de son mari attend particulièrement d’elle, enfanter.
Anny est une star que s’arrache le tout Hollywood de nos jours. C’est l’une des meilleures actrices de sa génération et une brillante carrière s’offre à elle dans le cinéma. Et pourtant, Anny sent un grand vide au fond d’elle qu’elle ne parvient pas à combler ; elle sent que sa vie manque de substance et que son univers est factice. Anny consomme drogues, alcools jusqu’à s’en étourdir et oublier ; elle consomme également les hommes avec qui elle entretient des relations plus que passagères. Tout cela n’a qu’un seul objectif : Anny cherche à s’autodétruire.  
Pour échapper à leur destin, les trois femmes prennent la fuite et se réfugient dans ce qui était censé résoudre les problèmes à leurs époques respectives : Anne fuit son mariage et se réfugie auprès de Dieu ; Hannah fuit ses devoirs d’épouse et se réfugie dans la psychanalyse ; Anny fuit la gloire de Hollywood et se réfugie dans la drogue et l’alcool.
Ces trois femmes rebelles et insoumises vont pourtant choisir reprendre leur destin en main et donner un sens à leur vie malgré ce que les attentes de la société.
Ces trois femmes, que des siècles séparent, sont pourtant infiniment proches.. Ne formeraient-elles pas en réalité qu’un ?

Ce que j’en pense : Ce roman est un véritable coup de cœur: plus que ça, il m’a transcendé ! Eric-Emmanuel Schmitt a su me toucher tant dans les thèmes abordés que dans son écriture.
De manière générale, la cause de la femme est le thème principal de ce roman. L’auteur y aborde non seulement ses forces mais aussi ses faiblesses, ses désirs les plus profonds, ses angoisses, et surtout, l’image de la femme à travers le miroir de la société.
En effet, Eric-Emmanuel Schmitt a choisi d’intituler son roman « La femme au miroir » car les trois personnages n’arrivent pas à se refléter dans le miroir qu’offre la société. Et pour cause, ce miroir leur renvoie une image de ce qu’elles devraient être alors qu’en réalité elles souhaitent y voir ce qu’elles sont vraiment. D’ailleurs, symboliquement au début du roman, un miroir se brise..
J’ai été étonné du fait qu’un homme arrive si justement à décortiquer et analyser les sentiments des femmes. Moi qui avait cru que seul Stefan Zweig arrivait à décortiquer avec brio les sentiments humains.. c’est dire!
D’ailleurs, les trois héroïnes ont un rapport particulier avec l’autre sexe. Toutes trois subissent le désir des hommes, auquel elles veulent échapper. Anne s’enfuit le jour de son mariage, Hannah cherche à échapper à ses devoirs d’épouse et Anny, qui collectionne les hommes, se regarde dans le miroir et se demande « c’est qui cette pute […] qui a couché avec tous les garçons présents ? »
Le style du roman est plutôt fluide et léger. Malgré son épaisseur (450 pages), il se lit très facilement sans jamais éprouver la moindre sensation d’ennui. J’ai d’ailleurs trouvé particulièrement original le fait d’utiliser un style épistolaire pour raconter l’histoire de Hanna (style aujourd’hui complètement oublié par les auteurs contemporains). J’adresse également une mention spéciale à l’astuce de l’auteur pour lier les trois femmes..
Je pense que chaque femme peut retrouver une partie d’elle-même au travers de ces personnages qui ne pourtant que pure fiction. D’ailleurs, lorsque l’on ferme « La femme au miroir », on en viendrait presque à se demander : et si cette femme c’était moi ? 
  

Et pour finir, quelques petites citations : « Dans quel but je me lève le matin ? A part ma collection, rien de la journée à venir ne m’attire. Néanmoins, bravement, j’endosse mon uniforme, je rabâche mon rôle, je révise mes répliques, je règle mes entrées ou mes sorties, je me prépare à la comédie de mon existence. Je languis peut être après un miracle… Lequel ? Cesser de me voir agir. Ne plus être ni l’actrice ni la spectatrice de moi-même. Arrêter de ma juger, de me critiquer, de percevoir mon imposture. Qu’enfin, tel un sucre dans l’eau, je fonde dans la réalité et m’y dissolve ».
« Pourquoi a-t-on inventé le cinéma ? Pour persuader les gens que la vie a la forme d’une histoire. Pour prétendre que, parmi les évènements désordonnés, que nous subissons, il y a un début, un milieu, une fin. Ca remplace les religions, le cinéma, ça met de l’ordre dans le chaos, ça introduit de la raison dans l’absurde ».

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