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samedi 2 août 2014

Le silence des Chagos de Shenaz Patel


L’histoire : « Le silence des Chagos » raconte l’histoire de Charlesia et de Désiré. Tous les deux sont originaires de Diego Garcia, une île qui fait partie de l’archipel des Chagos, archipel voisin de l’île Maurice.
La vie est paisible et douce à Diego Garcia : on travaille pour la communauté le matin, on pêche l’après-midi et on danse le séga tous les samedis soir. Chacun y mène une vie simple, proche de la nature et dénuée de toute superficialité matérielle (on n’achète rien sur l’ile, chacun reçoit la même ration de nourriture).
Et pourtant, Charlesia et Désiré seront contraints par la force de quitter Diego Garcia, dans des circonstances dramatiques, pour être déportés à l’île Maurice.
C’est à travers ces deux voix que l’auteur raconte la détresse et l’incompréhension d’un peuple à qui l’on a volé sa terre natale, à qui on a volé ses racines, et qui est resté malgré tout silencieux et digne.
Ce que j’en pense : Avant de vous donner mon avis, je pense qu’il serait utile de vous parler un peu de l’histoire du peuple chagossien.
L’archipel des Chagos était auparavant annexé à l’île Maurice qui était elle-même colonie britannique. En 1965, alors que Maurice négociait son indépendance, des pots de vin auraient été versés aux autorités politiques afin d’échanger les Chagos contre l’indépendance de l’île.
Une fois l’archipel des Chagos sous la main britannique, ces derniers louèrent les Chagos aux Etats-Unis qui en firent une base militaire. Les habitants de Diego Garcia ont été précipitamment évacués, sans qu’aucune explication ne soit leur fournie. Certains ont été déportés à Maurice, d’autres aux Seychelles. Ce n’est que bien plus tard qu’ils ont découvert la raison de leur exil forcé.
Depuis ces départs forcés, le Groupe réfugiés Chagos a déposé plusieurs plaintes. Le 3 novembre 2000, la Haute cour de justice de Londres reconnaissait l’illégalité de la déportation et le droit au retour de ce peuple. Mais en dépit de ce jugement, cette décision n’a jamais été appliquée.



Voilà un livre qui sent bon le sable chaud et les épices.. Mais ces épices ont un goût bien amer pour le peuple chagossien..
C’est le premier auteur mauricien que je lis (je suis moi-même d’origine mauricienne) et je dois avouer que je ne suis pas déçue.
En effet, je ne connaissais que très peu l’histoire de Diego Garcia et de l’archipel des Chagos. Je l’ai vécue à travers deux personnages : Charlesia qui est née et a vécu une grande partie de sa vie à Diego Garcia et Désiré qui est né sur le bateau qui emmena sa famille à Maurice.
Charlesia est une âme en peine qui ère au port en espérant qu’un bateau l’emportera un jour chez elle. Elle ne comprend pas pourquoi plus aucun bateau ne repart pour son île et pourquoi elle ne peut pas retrouver sa maison. Charlesia est nostalgique de son ancienne vie à Diego Garcia et vit constamment à travers ses souvenirs.
Ces souvenirs, elle va les partager avec Désiré, qui pourrait être son fils. Désiré n’a pas connu Diego Garcia. Sa mère l’a mis au monde sur le bateau qui l’a exilé à l’ile Maurice. Désiré ne connait ni ses racines, ni son origine et il a besoin de savoir d’où il vient pour savoir qui il est. Désiré a grandi sur une terre qu’il ne connait pas et qui ne le reconnait pas (on refuse de donner des papiers d’identité à Désiré). Il doit pouvoir comprendre pour pouvoir se construire.
C’est une bien triste histoire que vient nous raconter Shanez Patel : le déracinement d’un peuple au profit d’intérêts pécuniaires et politiques, des intérêts qui ne sont pas les leurs. Une fois le livre fermé on se pose d’ailleurs la question suivante : « mais comment a-t-on pu ? ».
Suite à leur exil, les chagossiens ont tout perdu et ont été entassé dans des bidons villes. Ils n’ont eu droit à rien : aucune explication, aucune prise en charge et ont subi la tyrannie du profit de plein fouet.
Charlesia et Désiré ont réellement existé et c’est pour leur rendre hommage et porter leur voix et leur combat que Shenaz Patel a écrit ce roman, que l’on pourrait qualifier de témoignage. Il se lit très facilement et contient quelques dialogues en créole local, ce qui donne une petite touche d’authenticité au récit.
J’ai pris plaisir à le lire mais j’ai trouvé qu’il manquait un petit quelque chose à l’écriture pour qu’il devienne un coup de cœur. Néanmoins, ce livre a l’avantage d’attirer notre attention sur l’histoire du peuple chagossien ; et en tout état de cause, on ne peut que ressortir bouleversé de l’histoire du « silence des Chagos ».


Et pour finir, une petite citation : "Létan mo ti viv Diego.. Mo ti kouma payanké dan lézer.. Dépi mo apé viv dan Moris.. Mo amenn lavi kotomidor" (Poème composé par les chagossiens en exil à Maurice)
Voici une chanson mauricienne (la musique typique traditionnelle s’appelle le séga) qui parle de l’exil des chagossiens (avec quelques images de la merveilleuse ile de mon cœur)
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Ce billet intègre le challenge de Géraldine

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