Index des auteurs de A à Z

dimanche 3 août 2014

L'élégance du hérisson de Muriel Barbery



L’histoire : Deux vies qui se côtoient chaque jour sans jamais se croiser.. Cela aurait pu être une histoire d’amour mais là, c’est une histoire d’être(s) humain(s).

Renée a 54 ans et est la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois et cossu du 6èmearrondissement de Paris. Les habitants de cet immeuble ont l’image que chacun d’entre nous s’en fait : des riches qui pratiquent encore l’élitisme et persuadés que chaque catégorie de population devrait rester à sa place. Sauf que la place de Renée se trouve parmi les érudits, les penseurs et les philosophes. Mais ça, elle ne le dit pas. Elle se cache sous une image que tout le monde se fait d’une concierge d’immeuble : une personne qui ne prend pas soin de son apparence, sans éducation, peu aimable et inculte.
Jusqu’à ce qu’elle fasse deux rencontres qui vont changer sa vie..
Paloma a 11 ans et habite au 7 rue de Grenelle. Paloma fait partie d’une famille de riches, clichés à souhait : sa mère est droguée aux antidépresseurs, sa sœur est une petite snobinarde égoïste et égocentrique, le tout sous les yeux impuissants du père résigné à être un lâche. Pourtant, Paloma refuse d’appartenir à ce monde et de ressembler au modèle familial avec lequel elle se sent en décalage. Et pour cause, Paloma est intelligente, voire même extrêmement intelligente. Aussi, pour marquer son refus de terminer dans un « bocal à poisson », Paloma a décidé de mettre fin à ses jours.
Jusqu’à ce qu’elle rencontre Renée..
Ce que j’en pense : Mesdames et Messieurs, connaissez-vous les hérissons ? Mais si, vous savez, ce sont ces créatures solitaires et piquantes à l’extérieur (qui s’y frotte s’y pique), mais terriblement raffinées et intelligentes à l’intérieur.
Eh bien, en voici deux spécimens tout droit sortis de l’imaginaire de Muriel Barbery.. ou presque..
« L’élégance du hérisson » n’est pas un roman qui raconte une histoire ; ce livre décrit plutôt des morceaux de vie choisis et accompagnés des pensées des deux personnages principaux.
Ainsi, Renée et Paloma prennent la parole chacune à leur tour et nous font part de leurs réflexions sur le monde qui les entoure sous la forme d’un journal intime. J’ai d’ailleurs trouvé original le fait d’adopter deux polices d’écritures différentes pour chacun des personnages.
Renée et Paloma sont deux personnages que tout semble séparer et qui pourtant sont très proches.

En effet, toutes deux se sentent en décalage avec la société dans laquelle elles évoluent et toutes deux cherchent à échapper à leurs semblables. Renée possède une grande culture et se cache derrière le cliché de la concierge peu aimable et limitée. Paloma pense et réfléchit sur le monde qui l’entoure contrairement aux autres filles de son âge et de sa condition qui ne pensent qu’à faire la fête et draguer (ou qui ne pensent pas tout court) et envisage de mettre fin à ses jours.
A travers ces deux personnages, l’auteure nous montre le regard différent que peuvent porter des êtres qui se sentent en décalage avec leurs pairs. D'ailleurs, ce ne sont pas n'importe quels êtres : ces êtres-là sont des hérissons, et les hérissons, ils sont particulièrement intelligents. 
Pour Muriel Barbery, l’intelligence et la culture ne sont pas l’apanage d’une certaine caste qui se croit au-dessus de la masse et qui pense détenir la Connaissance. En réalité, ces gens qui se croient mieux que tout le monde n’ont rien compris du tout.
Le livre et ses personnages me rappellent un peu « Ensemble c’est tout » d’Anna Gavalda où le personnage de Camille était femme de ménage mais en réalité ultra diplômée et portait un regard différent sur le monde qui l’entourait (en l’occurrence, Renée la concierge est une fan inconditionnelle de Tolstoï : normal, non ?)
Mais alors, comment vit-on ce décalage avec ses pairs ? Pour remédier à cette différence, Renée et Paloma cherchent un sens à donner à leur existence. L’une pour exister, l’autre pour continuer à vivre.. Et c’est cette quête qu’elles vont mener tout au long du livre.
Pour ma part, j'ai trouvé que« L’élégance du hérisson » fait la part belle aux clichés, notamment quant aux habitants de l’immeuble : des riches qui sont fustigés parce qu’ils sont riches et stupides, beaucoup trop enfermés dans leur petit monde pour voir ce qui se passe à l’extérieur. Même si la description et le caractère des personnages m’ont souvent bien fait rire, l’auteure rentre un peu trop facilement dans la caricature à mon humble avis.

Le style utilisé par l’auteur est très soutenu (voire même très très soutenu). Avouons-le : j’ai même été obligée de chercher certains mots dans le dictionnaire.. c’est bien la première fois que cela m’arrive en lisant un auteur contemporain !
J’ai pu lire aux termes de certaines critiques que le style adopté par l’auteur était perçu comme un moyen d'étaler sa culture et de se montrer pédant. Admettons.. Mais c’est une écriture qui colle tellement bien aux personnages que finalement, on se demande si on aurait autant apprécié ce livre  s’il en avait été autrement. Du coup, on n’est pas dérangé par le style.
Pour ma part, j’ai trouvé que « l’élégance du hérisson » s’est révélé être une lecture vraiment très agréable. Je pense que ce livre est à mettre dans la catégorie des livres qui vous font réfléchir et auquel on repense de temps en temps a posteriori.
Finalement, je me pose quand même une question (oui, moi aussi, il m’arrive de réfléchir) : l’auteure a-t-elle écrit ce livre par pur hasard ou est-elle elle-même un hérisson ? 
Parce que si les hérissons sont ce qu’on pourrait appeler des génies, se cachent-ils comme nos deux héroïnes ou auront-ils tendance à démontrer ouvertement au petit peuple que nous sommes qu’ils sont des génies ? Le vrai génie est-il humble, ce qui permettrait de le distinguer de l’imposteur ?
Dans ce cas, cela signifierait que le monde serait peuplé de hérissons qui se cacheraient eux aussi.. Ainsi, nous ne sommes donc pas seuls..

Et pour finir, une petite citation : « au fond, nous sommes programmés pour croire à ce qui n’existe pas, parce que nous sommes des êtres vivants qui ne veulent pas souffrir. Alors nous dépensons toutes nos forces à nous convaincre qu’il y a des choses qui en valent la peine et que c’est pour ça que la vie a un sens ».



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire